Je me suis réveillé un matin de
l'année 1981, moustachu malgré moi, D'abord charpentier, j'ai vite
été réorienté vers la plomberie. Ma bonhomie maladive, m'oblige
à exprimer ma joie en permanence avec des petits cris suraigus
et des sauts pleins d'allégresse. Pourtant, je ne suis pas heureux
et sous mes airs de plombier jovial je suis un homme frustré, lacéré
par la vie. J'ai du mal à comprendre mes actes, qui semblent dictés
par une puissance supérieure que je ne comprends pas. Moi, je ne demande
qu'une chose, réparer des tuyauteries, mais je ne sais pourquoi, surement
à cause des problèmes oedipiens de mon papa, ma vie se résume à
une course sans fin en quête d'une figure féminine plus maternelle
qu'amoureuse. Au long de ma course j'ai été amené à combattre le
bonheur ambiant qui s'emble s'acharner sur moi, cependant quoi que j'y
fasse les gens qui m'entourent semblent joyeux et contents de leur sort.
Quand j'avance, la nature s'ouvre pour moi, les plantes, d'ordinaires
hostiles et carnivores deviennent tout chose à mon passage et se fendent
d'un sourire dentelé qui m'exaspère. Je commence à ne plus pouvoir
supporter les mimiques suggestives de mon ex-Village People de frère.
Dans mon monde, les végétaux sont trop verts, les tortues trop heureuses
de porter le double de leur poids en guise de carapace, le ciel trop
bleu, les méchants trop peu méchants, les gentils bien trop gentils,
les princesses blondes beaucoup trop blondes et tout ce bonheur mièvre
et suranné commence à me sortir par les pores de la peau. Je me pose
la question du suicide: après avoir sauté sur tous les coins de la
Terre et même dans l'espace, après avoir conduit d'extravagantes voiturettes,
après avoir fait la fête avec tous les ravis qui me servent d'amis,
après m'être battu contre toutes les créations de mon bridé de père,
après avoir soigné des maux incurables à la manière d'Alexei Pajitnov,
je me demande si ma vie n'est pas arrivée à son terme. Je n'ai jamais
pu contrôler mes actions, j'ai toujours été guidé par les mains
d'êtres supérieurs et incompréhensibles. Mais il y a une chose sur
laquelle je peux avoir un contrôle direct et total. Ma mort. Beaucoup
ont cru pouvoir jouer avec ma vie, mais le jeu est fini et ils ne pourront
pas jouer avec ma mort. Pour une fois, mon saut à la courbure si parfaite
ne se conclura pas par un rebond sur la carapace rouge et gonflée d'une
tortue. Mes pieds n'auront que le vide pour soutien, et je pourrais
dire "The Game Is Over".
Mario.